domingo, 24 de abril de 2016

FRANCE: Nuit Debout ou à genoux ? Parti Communiste Maoïste.

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Le mouvement des occupations de places publiques, parti de République à Paris, s’est étendu dans de nombreuses villes à travers le territoire : le mouvement s’est dans un premier étendu à d’autres villes que Paris puis s’est étendu en banlieue dans des villes telles que Saint-Denis, Saint-Ouen ou Aubervilliers. Prenant place dans le cadre de la mobilisation contre la loi Travail, le mouvement Nuit Debout a plusieurs caractéristiques, dont certaines contradictoires. Nous allons essayer d’en voir les différents aspects tout en considérant que les Nuits Debout revêtent des aspects différents suivant les endroits où elles se tiennent.

La nature de Nuit Debout
Premièrement, quel type de mouvement est Nuit Debout ? Le mouvement à l’initiative entre autres de Lordon et François Ruffin sous le mot d’ordre de convergence des luttes s’inscrivait dans le cadre de la lutte contre la loi travail. Mais à vrai dire si on interroge les participants et participantes, on s’aperçoit qu’ils n’ont pas tous et toutes la même vision du mouvement. En gros, on peut catégoriser deux grandes tendances, qui s’entrecroisent pour certains :
  1. un mouvement citoyen, pas partisan, hors des partis et des syndicats, un mouvement pacifiste.
  1. un mouvement de masse, complémentaire aux manifestations et permettant d’autres formes de mobilisation.
Dans ce cadre, certains le voient uniquement comme une tribune permettant de diffuser leurs idées. Ne donnant pas un objectif clair aux Nuits Debout, celles-ci sont pour certain juste un moyen d’exprimer leurs lubies soient elles le plus déconnectées de la réalité ou ouvertement conspirationnistes. D’autres participent avec enthousiasme à un espace où l’on se retrouve simplement pour discuter et agir avec des gens qui pensent à priori « comme nous », qui le voient comme un espace d’espoir et de liberté.
La première version, citoyenniste, c’est celle que BFMTV nous sert 24H/24H et que tous les soi-disant apolitiques essayent d’incarner un peu partout. C’est la version sur laquelle s’appuie le gouvernement et les partis et organisations politiques institutionnelles pour soutenir « l’élan citoyen » et le récupérer, s’appuyant sur leurs « idiots utiles ». Cette version là des Nuits Debout sert à isoler les révolutionnaires et celles et ceux qui veulent pousser la lutte un cran au dessus au travers des Nuits Debout. C’est là-dessus que s’appuie Cambadélis, premier secrétaire du PS, lorsqu’il déclare qu’il faut des « CRS Debout qui seront là pour faire en sorte que les violences ne viennent pas perturber ceux qui veulent discuter. »
Ainsi dans cette vision là, Nuit Debout devient une tribune géante où chacun est libre d’exprimer tout ce qu’il veut, d’où le reproche de certains que Nuit Debout ressemble à une thérapie de groupe. Le but de Nuit Debout ne serait plus la lutte mais d’être la « véritable démocratie ». C’est avec cela qu’ils disent que tout le monde quelque soit ses idées politiques est le bienvenue et qu’il faudrait respecter une liberté d’expression quasi-totale.
C’est également sur cette vision là que s’appuient les orateurs conspis déblatérant leur lutte antisémite contre le « nouvel ordre mondial » ou encore les partisans d’Etienne Chouard, qui veulent à tout prix nous servir leur soupe de « nouvelle constitution ». Attardons nous un peu sur ces derniers, car c’est avec cette frange là que nous avons eu le plus de problèmes.
Beaucoup expriment la revendication d’une « démocratie réelle ». Dans l’idée de Chouard ou de Mélenchon, ils disent vouloir écrire une nouvelle constitution, plus juste, plus démocratique. Pour eux la source de nos problèmes serait la 5e République, sa constitution et ses lois. Quand nous parlons de lutte dans les assemblées, ceux là nous parlent d’apaisement et de regroupement, notamment autour d’une hypothétique « constitution ». Il faudrait qu’ils comprennent qu’un bout de papier ne prend de l’importance que lorsqu’il est incarné dans la réalité. Les lois bourgeoises n’ont d’importance que parce qu’elles sont incarnées par les flics, les tribunaux et les juges. En parlant de « citoyens », on efface la contradiction principale de la société capitaliste, c’est-à-dire la contradiction de classe. Le problème n’est pas que la démocratie actuelle est « fausse » mais bien qu’elle est bourgeoise, c’est-à-dire qu’elle est un outil de la dictature du capital. Face à cette démocratie on ne peut pas opposer des papiers, des nouvelles constitutions ou des projets de société idéale tel que le faisaient les socialistes utopiques au 18e siècle. Face à la démocratie bourgeoise, on oppose l’organisation du prolétariat autour de la classe ouvrière pour lutter implacablement contre le capitalisme.
S’appuyant sur leur négation de la lutte de classe, on nous dit que le mouvement devrait tendre les bras aux flics et travailler avec eux pour que tout se passe bien. De même, après un petit vernis de critique des médias, il faudrait absolument renoncer à toute action qui nous décrédibiliserait à leurs yeux. Et surtout on risquerait d’être réprimés parce qu’on ne respecterait pas les règles… Bref, tous les arguments non d’une Nuit Debout mais d’une vie à genoux !
Ceux là vont jusqu’à nier la répression policière (ou pire l’encourager comme lorsque des « responsables » de Nuit Debout à République ont appelé les flics samedi soir dernier) et rejettent la faute de la répression sur les occupants…enfin dans leurs bouches c’est plutôt les casseurs, les provocateurs, les éléments violents, bref, les « mauvais manifestants ». Ce discours amène de la part des organisateurs à toujours plus de collaboration avec les forces policières, récemment la préfecture de police de Paris a fait un communiqué pour saluer les efforts de collaboration de Nuit Debout avec la police suite aux « violences » des nuits précédentes, ce communiqué a été immédiatement relayé par le compte twitter de Nuit Debout.
Occupy, Podemos, Syriza sont-ils des modèles ?
Parmi celles et ceux qui rejettent le fait que Nuit Debout soit un mouvement apolitique, beaucoup voudraient que ce soit un outil pour rassembler la gauche par la base, en dehors des partis et syndicats. Ils s’inspirent du mouvement d’occupation de places qui a eu lieu en Espagne avec les indignés par exemple, ils évoquent aussi le mouvement Occupy aux Etats-Unis et pour certain le rassemblement de la « gauche radicale » en Grèce avec Syriza.
Selon eux, ce serait des exemples de réappropriations de la politique par la base et une alternative aux partis traditionnels en déroutes. Néanmoins si l’on analyse ce qui s’est passé en Espagne ou en Grèce on s’aperçoit vite que ce ne sont pas des modèles à suivre. Ceux-ci ont débouché sur la création de nouveau parti proposant une social-démocratie radicale face à la défaite de la social-démocratie traditionnelle. Ainsi tous les efforts ont été consacrés à la participation électorale, en vendant l’illusion que l’on pourrait transformer le capitalisme de l’intérieur. On a pu voir en Grèce que Syriza a été incapable de s’opposer aux exigences des bourgeoisies européennes.
On en revient à la conclusion que Marx avait dressé dans La Guerre civile en France écrit en 1871 et revenant sur l’expérience de la Commune de Paris : le prolétariat ne peut pas se contenter de reprendre la machine d’Etat et la faire tourner à son compte mais il doit détruire de fond en comble l’Etat bourgeois pour mettre en place la dictature du prolétariat. Ainsi les aspirations du prolétariat ne peuvent s’épanouir qu’à travers une révolution, une révolution violente et non une révolution « citoyenne » qui par définition n’est pas prolétarienne ou une « révolution par les urnes ».
Si le rejet et le dégoût des partis politiques institutionnalisés est quelque chose tout à fait légitime, ce n’est pas la création d’un nouveau parti électorale éclectique qui est la solution. La classe ouvrière et tout le prolétariat a besoin d’un Parti pour la mener la révolution, ce Parti doit représenter ses intérêts, il doit défendre une stratégie révolutionnaire et une ligne politique claire, il doit s’appuyer sur l’idéologie du prolétariat à notre époque, c’est-à-dire le marxisme-léninisme-maoïsme.
Nuit Debout peut-il être un outil de lutte de classe contre la Loi Travail ?
Si l’on regarde la composition de Nuit Debout, principalement à Paris, on s’aperçoit que c’est principalement la petite bourgeoisie ainsi que les étudiants et étudiantes qui sont mobilisés. La forme même de Nuit Debout ne permet pas une réelle mobilisation des travailleurs et travailleuses. Après une longue journée de travail, il n’y a pas le temps de passer la Nuit Debout, il n’y a pas l’énergie d’écouter des discours de toutes sortes pendant des heures pour finalement parler trois minutes. Cela vaut principalement pour la Nuit Debout à la place de la République et se ressent moins en banlieue. Si on regarde le mouvement Nuit Debout en banlieue on s’aperçoit qu’il a principalement mobilisé le mouvement associatif et une partie du mouvement syndical mais qu’il peine à élargir, on retombe donc souvent dans un cercle de militants déjà connu et habitué à prendre la parole.
Ainsi à travers ce rapide tableau, nous voyons déjà les limites du mouvement Nuit Debout néanmoins Nuit Debout, ce n’est pas que ça et des aspects positifs doivent être soulignés et appuyés. En dehors de toute une frange qui semble ne pas vivre dans le même monde que nous, sûrement parce qu’ils et elles n’ont jamais mis les pieds sur un chantier dans une usine, n’ont jamais vécu en quartier populaire, n’ont jamais accumulé les boulots précaires, n’ont jamais subi de répression policière, n’ont pas vu leurs amis sans papiers risquer la déportation, n’ont jamais vu des expulsions locatives,…(est ce bien possible ?), bref, qui ont l’air de regarder le monde autour d’eux à travers des lunettes arc-en-ciel, il y a aussi celles et ceux qui tentent d’animer les Nuits Debout d’un esprit de lutte.
C’est cette frange là qui pense aussi que les manifs plan-plan ne nous permettront jamais à elles seules de gagner quelque bataille que ce soit. C’est de là qu’ont émergé les actions les plus intéressantes de Nuit Debout, notamment les commissariats assiégés par plusieurs centaines de personnes pour libérer les camarades arrêtés ; la solidarité avec les migrants ; la solidarité avec les cheminots au travers de l’occupation de gares ; etc.
Mais il faut bien voir que stratégiquement, les Nuits Debout sont un peu comme les manifs, elles ne servent à rien si elles ne permettent pas à la lutte de franchir un cap. Ce qui est déterminant, c’est comment la classe ouvrière se mobilise dans cette lutte, à quel degré de confrontation est elle prête à aller. En d’autres termes, comment le mouvement avance vers une grève générale avec blocage et occupation des outils de production, de distribution et de communication, en osant s’opposer frontalement à la bourgeoisie. C’est ce qui est décisif dans la lutte de classe. Est ce que les Nuits Debout permettront cela ? Ce n’est pas impossible mais peu probable en l’état, cela nécessiterait une transformation radicale du mouvement avec un objectif clair.
Il est plus réaliste de considérer ce mouvement comme ce qu’il est : un mouvement dont la ligne politique est loin d’être claire et dont la base sociale est partagée entre majoritairement petite bourgeoisie puis une partie plus faible du prolétariat, mais qui peut permettre aux révolutionnaire de regrouper autour d’eux ; un outil en supplément des manifs mais qui ne se suffit pas à lui même. Cela ne pourra se faire qu’en y menant la lutte en posant la ligne de démarcation, en se détachant de la ligne citoyenniste qui essaye de concilier des intérêts inconciliables. Nous devons expliquer la dynamique de la lutte de classe, les intérêts inconciliables qui sont la base de la société et le rôle de l’État et de toute la superstructure issue du capitalisme. Nous devons rejeter le processus qui pense qu’écrire une nouvelle constitution est plus important que de développer la lutte. Nous devons mettre en place des actions concrètes. Nous devons donner un but clair au mouvement : le retrait de la loi travail dans un premier temps. Non pas car la Loi Travail serait la source de tout nos problèmes. Nous savons toutes et tous que celle-ci n’est qu’une loi anti-ouvrière et anti-populaire de plus de ce gouvernement après l’ANI, le pacte de responsabilité, la loi macron. La nécessité de mener une lutte résolue contre la loi travail vient du fait que notre classe a enchaîné les défaites depuis la défaite contre la réforme des retraites : seule une victoire peut nous faire dépasser le stade de la défensive pour essayer de gagner de nouveaux acquis. Ce n’est que comme ça que nous parviendrons à regrouper la partie de Nuit Debout qui veut faire passer la lutte de classe à un niveau supérieur, par la discussion et surtout l’action, tout en ayant en tête toutes les limites de ce type de mouvement.

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