800 ans après la Conquista,
après 8 siècles de ‘provincialisation’, de périphérisation dans et par
le système étatique-impérial ‘France’, alors que le capitalisme qui a
construit ce système est entré en crise terminale, le prolétariat et les
masses populaires d’Occitània relèvent la tête. Il est temps de se
doter du seul outil conséquent et efficace pour notre Libération, en
tant que Peuple nié et en tant que classes exploitées !
Le 12 septembre 1213, il y a 800 ans, sur le champ de bataille de Muret près de Tolosa, était scellé dans le fracas des armes et les rivières de sang le sort de nòstre Occitània.
Commençait alors, à coup d’administrateurs royaux, la liquidation
politique de notre Nation, qui devait déboucher sur le découpage
départemental de 1790, le règne des préfets napoléoniens puis
‘républicains’ et enfin, à l’ère des monopoles, sous la sinistre ‘République’ qui devait naître dans la répression-boucherie des Communes et s’achever dans la vergonha des pleins pouvoirs à Pétain, la tentative de nous nier jusqu’en tant que Peuple.
Depuis le début de son
règne (1180), le roi franc capétien Philippe II Auguste s’était lancé à
la ‘conquête de l’Ouest’ de l’actuel Hexagone, les domaines Plantagenêt,
comprenant la partie ouest de l’Occitanie, le duché
d’Aquitaine-Gascogne (globalement, nos 'régions' Aquitaine, Limousin et
Auvergne) : ainsi naquit l’État français, et Philippe Auguste devint le
premier roi de France. En Languedoc en revanche, qui comme la Provence
était une mosaïque de fiefs et de cités-États relevant soit du roi
d’Aragon-Catalogne, soit du comte de Toulouse (lui-même plus ou moins
vassal du premier), la Conquista prit la forme d’une sanglante Croisade, sous le prétexte, au nom de Dieu et du Saint-Père le Pape, d’écraser l’hérésie albigeoise plus connue sous le nom de cathares,
que les nobles occitans étaient accusés de protéger (c’était vrai et au
demeurant, la tolérance de notre terre s’appliquait aussi aux Juifs,
aux Maures venus d’Andalus et à bien d’autres encore)… Un peu comme,
aujourd’hui, l’impérialisme lance ses guerres de rapines au prétexte que
tel ou tel pays ‘abrite le terrorisme’ – et on en passe et des
meilleures. La direction de la Croisade fut confiée au petit baron
francilien Simon de Montfort. Ses hordes du Nord déferlèrent alors sur
notre Peuple comme une nuée de sauterelles, pour faire main basse sur
ses richesses, s’y tailler des fiefs par l’épée et commettre des
atrocités sans nom, comme le massacre de Béziers en 1209 (‘tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens !’).
La résistance à l’invasion fut d’abord surtout l’œuvre de la petite
noblesse (chevalerie), des comtes Trencavel et des masses populaires. Il
fallut plusieurs années pour que le comte de Toulouse, Raymond VI, qui
s’était même dans un premier temps rallié à la Croisade ( !), ne prenne
la mesure de ce qui se tramait et ne se décide à réagir.
L’année 1213 marqua un tournant avec l’intervention du suzerain des suzerains
d’Occitània, le roi Pierre II d’Aragon, auquel le comte de Toulouse fit
allégeance. Jusque-là, celui-ci était sans doute trop absorbé… par ses
ambitions de ‘re’-Conquista ibérique, participant notamment à la bataille de Navas de Tolosa, début de la fin
d’Al-Andalus, qui n’apportera pratiquement rien à son royaume mais fera
de la Castille la puissance incontestée de la péninsule, annonçant
l’État espagnol… qui quelque siècles plus tard rayera l’Aragon et les Estats catalans
d’un trait de plume. Dans cette perspective, comme Raymond de Toulouse
au début, il avait voulu éviter à tout prix d’entrer en conflit avec la
Papauté et la monarchie parisienne. Le rapport de force allait peut-être
enfin changer. Hélas, comme s’il y avait un ‘bon dieu’ matérialiste
historique pour punir leur politique erratique et uniquement tournée
vers leurs intérêts personnels, l’armée occitano-catalano-aragonaise de
Pierre II et Raymond VI sera écrasée sur le champ de bataille. Les rois
capétiens n’interviendront directement que quelques années plus tard,
avec les successeurs de Philippe Auguste, Louis VIII et ‘Saint’ Louis
IX, pour anéantir les dernières résistances populaires, nobles et
cathares. C’en était fini de l’indépendance politique de notre
Nation, ‘confédération’ de fiefs et de républiques urbaines, ‘république
aristocratique’ comme l’analysera bien plus tard Engels. L’Aquitaine
(du Limousin à la Gascogne) sera encore disputée avec les rois
d’Angleterre jusqu’au milieu du 15e siècle, la Provence
semi-indépendante sera définitivement annexée par Louis XI en 1481, et
Louis XIII et Louis XIV se chargeront au 17e siècle de mettre
fin aux dernières semi-indépendances pyrénéennes. Comme souvent dans
l’histoire, dans un mode de production (la féodalité) en crise,
la classe dominante d’une Nation s’est emparée… d’une autre, achetant,
soumettant ou liquidant ses élites, et s’appropriant ses richesses et
ses forces productives : ce que l’on a pris l’habitude, depuis,
d’appeler IMPÉRIALISME. Le Royaume de France des Capétiens, de leur
aristocratie et de leur bourgeoisie de Cour, future ‘République une et
indivisible’ du Capital monopoliste, était né.
Cette sanglante tragédie de notre Peuple
a eu lieu, donc, il y a 800 ans. Autrement dit, une ‘éternité ; ‘cela
remonte à Hérode’ nous diraient sûrement, comme pour l’esclavage des
Africain-e-s ou le génocide des Amérindien-ne-s, les pourfendeurs
habituels de la ‘dictature mémorielle’ – comme si le présent pouvait
être autre chose que le fruit du passé, et comme si les revendications
‘mémorielles’ tombaient du ciel, sans aucune racine dans la situation
actuelle. Et pourtant ! Que cette sanglante Conquista ne
fait-elle pas penser à tant de guerres et de sanglantes impositions de
l’exploitation impérialiste aujourd’hui à travers le monde ; contre
lesquelles se dressent jour après jour les résistances des Peuples, de
nos camarades kurdes et palestiniens, des Irakiens et des Afghans, des
Mayas du Mexique et des paysans de Colombie, et la forme la plus avancée
de résistance, la Guerre populaire de nos camarades indiens, philippins, d’Anatolie (État turc) ou du Pérou… Le matérialisme ignore le hasard.
Il y a 800 ans, lorsque le sang de l’Occitanie égorgée coulait à Muret,
à Béziers ou encore à Montségur, le capitalisme voyait le jour. La Conquista de notre Peuple (ainsi que du ‘Grand Ouest’ de la Normandie au Poitou) ne fut ni plus ni moins que l’ACTE DE NAISSANCE… de la ‘France’ comme État moderne,
lorsque Philippe II Auguste devint roi de France ; et cet État fut pour
les siècles suivants l’instrument politico-militaire de l’aristocratie
‘franque’ liée au monarque, mais aussi d’une classe émergente, la bourgeoisie capitaliste
(du Nord mais aussi occitane traître) qui trouvait là, à ce stade de
son développement, un grand marché intérieur et le cadre politique
adéquat à son activité fondamentale : l’accumulation de richesses. Il y a
deux sortes de modes de production ‘barbares’ : un mode de production
qui émerge, et ne s’embarrasse guère de scrupule dans l’accumulation de ses premières grandes fortunes ; et un mode de production qui agonise et qui, pour défendre les privilèges accumulés, ne recule devant aucun crime. L’État français moderne, du 13e siècle jusqu’à 1789, mariait les deux :
un capitalisme émergent en accumulation sauvage, et une féodalité
pourrissante dans l’hyper-concentration absolutiste de la propriété éminente.
Et, n’en déplaise à nos pourfendeurs de la ‘repentance’, la situation
actuelle, l’État français contemporain, œuvre des révolutionnaires
bourgeois (notamment Napoléon) qui renversèrent l’absolutisme, et une
grande partie de la situation mondiale où l’État français ‘joue un
rôle’, sont le produit direct de cette histoire. La Conquista
a donné naissance à l’État français ; comme la conquête de l’Écosse, du
Pays de Galles et de l’Irlande a donné naissance à l’État britannique
et la conquête d’Al-Andalus, à l’État castillan puis espagnol. L’État
français a donné naissance à l’impérialisme du même nom, d’abord
‘accumulateur primitif’ préindustriel (à l’époque de Louis XIV, Louis XV
etc.), puis monopoliste (avec la sinistre 3e République
égorgeuse des Communes). Dans son texte de référence sur notre ‘France
du Sud’, Friedrich Engels, qui fait correctement s’achever la conquête
totale à la fin du 15e siècle (après la Guerre de Cent Ans, on pourrait même dire début du 17e pour une bonne partie de la Gascogne), fait ensuite résister nòstre Occitània… pendant 3 siècles, soit jusqu’en 1789. Et à vrai dire, Engels, qui était
un brillant théoricien socialiste mais aussi… un rentier capitaliste et
un défenseur assez borgne du ‘rôle historique progressiste’ du
capitalisme, fait quelque peu s’arrêter l’histoire quand cela l’arrange ;
car le vote démocrate-socialiste massif de 1848-49, la résistance
massive (et au contraire très faible au Nord de la Loire) au coup d’État
bonapartiste de 1851[1], les Communes de 1871 (Marseille, Narbonne, Toulouse, Limoges etc.), la Grande Révolte de 1907, c’était encore de la résistance occitane,
même s’il n’y avait pas de revendication séparatiste, tout au plus
anti-centraliste (mais il n’y en avait pas, non plus, pendant les
Guerres de Religion !).
L’État français est né à partir d’un Centre,
la région de Paris, siège du pouvoir politique monarchique et du
pouvoir économique de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie de Cour,
qui a soumis par le fer puis la poudre les Peuples de l’actuel Hexagone qu’il a transformés en Périphéries,
masses de producteurs taillables et corvéables à merci. Puis il est
allé chercher des périphéries outre-mer, devenant Empire. L’État
espagnol (d’abord royaumes de Castille et d’Aragon), de même, est né par
la conquête de l’État musulman de Cordoue, puis par l’imposition de la
Castille à l’Aragon, aux Pays catalans et au Pays Basque, aux Asturies
et à la Galice ; et l’État britannique est né de la conquête anglaise
des peuples celtiques : dans ces deux cas, l’ordre imposé aux conquis
fut encore plus ouvertement colonial. Plus près de nous dans le temps,
dans le cadre d’une véritable construction d’État par la bourgeoisie
seule (et une maison monarchique ‘libérale’), l’État italien est né par
la conquête et la périphérisation du Mezzogiorno : il ne s’est
rien passé d’autre en ‘France’, avec le ‘Midi’, mais plus tôt et
beaucoup plus étalé dans le temps, sur plusieurs siècles.
C’est seulement dans les décennies
suivant la Seconde Guerre mondiale, dans les forêts de grues et de
barres d’immeubles de la ‘reconstruction’ et des ‘Trente Glorieuse’, que
l’Occitanie a pu sembler disparue à jamais. Mais à cette même époque,
les grandes luttes anti-impérialistes qui secouaient le monde, du
Vietnam à l’Angola, poussèrent une partie de notre Peuple à relever la
tête et à se réaffirmer, après trois générations non pas de suppression
politique (celle-ci étant totalement achevée depuis 1789), mais de
véritable tentative d’ethnocide, de suppression
nationale-culturelle en tant que Peuple. Cependant, ce mouvement est
resté pris dans de profondes entraves théoriques : il ne s’est pas
emparé du marxisme révolutionnaire, qui pourtant dirigeait souvent les
luttes anti-impérialistes dont il s’inspirait, pour comprendre
la Question occitane à sa lumière. S’il a bien vu les évènements que
nous venons d’exposer, et revendique fièrement cette ‘tragédie du Peuple
occitan’, il n’a jamais compris leur enchaînement et leur logique
matérialiste dialectique ; et il n’a jamais compris le ferment révolutionnaire formidable que contenaient ses propres revendications,
car si la conquête de l’Occitanie a été la naissance de l’État français
capitaliste et impérialiste, la libération de notre Peuple ne peut que
signifier sa mort ! Ceci a conduit ce mouvement à la faillite, d’autant
plus qu’il ne peut pas, comme en Catalogne, compter sur l’appui d’une
véritable et puissante bourgeoisie ultra-autonomiste ou
indépendantiste : pour des raisons historiques, la grande bourgeoisie
occitane est idéologiquement (ultra-majoritairement) ‘française’, bien au chaud
dans le cadre douillet de l’État français, elle a pu résister
violemment sous l’Ancien Régime mais depuis la Révolution bourgeoise,
elle a globalement trouvé son compte (même si c’est en position
subordonnée) et ce n’est pas elle qui souffre vraiment de notre
négation. La petite et la moyenne bourgeoisie la suit en grande majorité
sur cette position, même si elle peut parfois râler (avec un Pierre
Poujade par exemple) contre le centralisme et la ‘bureaucratie’ de
Paris. S’il y a, en Catalogne ou au Pays Basque, une bourgeoisie
dynamique qui se sent (historiquement) ‘parasitée’ par la Castille,
dominante politico-militairement mais moins avancée économiquement, en
Occitanie la bourgeoisie et autre ‘élites’ ont eu 8 siècles pour se
vendre ou disparaître ! Le ‘cœur’ et la ‘clé’ de la question occitane se
trouve clairement, totalement et uniquement dans les masses prolétaires
et populaires ; il n’y a aucun ‘modèle’ à chercher, pour notre
émancipation, au Sud des Pyrénées.
Le questionnement et la compréhension de
ce qui précède a finalement amené, ces dernières années, des militants
‘occitanistes’ de longue date à se saisir de la théorie marxiste et à
comprendre, à travers elle, les problèmes contre lesquels ils
militaient ; tandis que, de l’autre côté, des communistes
révolutionnaires qui ne s’étaient jamais réellement penchés sur la
question occitane sont venus à comprendre combien elle était au
fondement même de l’existence et, donc, de la continuité de cet État
français du Capital qu’ils combattent. Ceci a donné lieu a une très
importante (même si, peut-être, encore imparfaite) réflexion et
production théorique que l’on peut trouver, notamment, sur les sites
Sheisau Sorelh et Servir le Peuple.
De ce travail théorique ressortent deux conclusions fondamentales :
1°/ Le monde capitaliste que nous
connaissons s'est construit à partir de Centres, qui ont concentré au
fil des siècles le pouvoir économique, politique et
idéologique/culturel, subjuguant des Périphéries où se sont concentrées
la misère et l'exploitation ; périphéries en cercles concentriques
autour des Centres et de leurs 'antennes-relais', depuis les
banlieues-ghettos des grandes métropoles impérialistes jusqu'au plus
affamé 'Tiers-Monde'. Ainsi le capitalisme, à partir du moment où il
s'est doté d'un bras armé étatique (monarchie absolue puis État
bourgeois), a-t-il nié les organisations sociales antérieures. Il est donc logique que la lutte révolutionnaire du prolétariat, négation du capitalisme par le communisme, se déploie des Périphéries en direction des Centres
: les Périphéries sont les 'campagnes' de chaque pays et du monde, dans
ce qui est la véritable universalité de la Guerre populaire théorisée
par Mao et d'autres. Au sein de chaque État capitaliste, les
révolutionnaires doivent identifier où sont les 'campagnes' et où sont
les 'villes', où sont les Centres et les Périphéries, desquelles et vers lesquels déployer la lutte.
Ceci, sans mettre en cause les
meilleures et les plus généreuses volontés (laissons de côté les groupes
ouvertement ultra-jacobins : POI, CNT-AIT etc.), reste souvent mal
compris par beaucoup de personnes et d’organisations révolutionnaires
que l’on peut qualifier de ‘centrales’ ; soit de par leur position
géographique (‘vraie France’ du Bassin parisien ou ‘centres-relais’ tels
Lyon, Nantes etc.) dont elles ne comprennent pas et donc ne remettent
pas en question les ‘privilèges’ qui y sont attachés ; soit parce
qu’elles perçoivent (consciemment ou non, et à tort ou à raison) leur
position/existence sociale comme liée à l’État bleu-blanc-rouge et à
l’Empire (fonctionnaires, salariés publics ‘à statut’ ou d’entreprises à
commande d’État, aristocrates-ouvriers) ; soit par pure aliénation
(sous l’influence des deux premiers cas). Cet État français, elles
veulent le transformer en république socialiste,
‘reconnaissant’ éventuellement les ‘cultures régionales’… mais pas le
DÉTRUIRE, comme il se doit, pour le remplacer par quelque chose de
complètement nouveau, politiquement et socialement, quelque chose qui ne
peut d’ailleurs être l’œuvre que des masses en révolution, et non de
quelques ‘ingénieurs politiques’ dans un bureau.
2°/ Toute la misère de
l''occitanisme' depuis l'après-Seconde Guerre mondiale se résume à
s'être placé, pour 90% de ses déjà maigres troupes, dans une perspective
RÉFORMISTE (en l’occurrence autonomiste ou 'régionaliste',
'décentraliste', mais eût-elle été indépendantiste comme en Catalogne
que pour nous communistes, sans renversement du capitalisme, cela reste
du réformisme), ou alors dans une perspective 'autogestionnaire'
utopiste, rejetant le marxisme, théorie révolutionnaire de notre époque,
ce qui revient au même car 'sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire conséquent' (Lénine). Ils n'ont pas envisagé la Question occitane dans le seul cadre qui permette sa résolution : la Révolution prolétarienne mondiale dont la nouvelle vague se lève à présent dans le monde entier
; et l'Occitanie, dans l’État capitaliste français, comme de toute
évidence la première 'campagne' dans la lutte révolutionnaire contre
celui-ci : la Périphérie (concentration de misère et d'exploitation) la plus grande et la plus peuplée, et de surcroît la plus ancienne ; en fait, la première et fondatrice : c'est précisément de la conquête de nòstra terra et de l'asservissement de nòstre Poble,
il y a 8 siècles, dans le fracas et le sang de Muret, qu'est né le
Royaume de France, premier avatar de ce qui allait devenir l'un des
principaux États impérialistes de la planète. Faute de placer leur lutte
dans cette perspective (la seule correcte), faute de lui donner cette dimension, les 'occitanistes' étaient condamnés à l'échec.
C'est que, n’étant pas ou très ‘vite fait’ marxistes, ils n’ont pas compris le matérialisme dialectique et le matérialisme historique ; ils n’ont pas compris l’Histoire comme un processus de négation de la négation.
Engels illustrait cela par l’exemple d’un grain qui en disparaissant
donne une plante qui en disparaissant à son tour, donne des dizaines de
grains. De la même manière, tout mode de production et tout ‘système’ de
société a d’abord nié (aboli, renversé, supprimé) un système inférieur, puis sera nié à son tour par un système supérieur. Le capitalisme, avec son bras armé l’État moderne, a nié
le système féodal avec ses ducs, ses comtes, ses barons, ses abbés
etc. ; accomplissant par là une douloureuse mais NÉCESSAIRE étape
historique pour l'humanité : il a permis un développement sans précédent
des forces productives, des sciences et des techniques, arrachant finalement l'humanité à l'impuissance face aux forces naturelles (aléas climatiques, famines, épidémies) ; jamais dans l'histoire le génie humain n'avait été autant stimulé que par la perspective capitaliste d'en tirer un profit financier. D’autre part, et surtout, il a permis l’affirmation de l’humanisme :
la reconnaissance et la valorisation de la personne humaine comme
maîtresse de son destin, ayant des droits ‘naturels’ et ‘inviolables’
etc. etc., ce qui est logique, car le capitalisme fait de l’être humain
le seul propriétaire de sa force de travail, qu’il est certes souvent
réduit à vendre, et non plus la propriété d’un maître d’esclave, chose que l’on retrouvait encore au Moyen-Âge dans certaines formes de servage. Tel a été le rôle historique du capitalisme et de l’État moderne ; telle a été la signification de la ‘France’ dans l’Histoire.
Mais ce faisant, le capitalisme a aussi démantelé avec une violence inimaginable la communauté populaire
précapitaliste, relativement démocratique et solidaire sous l'autorité
féodale qui se contentait de lui prélever régulièrement ses taxes et
‘redevances’ et d’intervenir lorsque l’on faisait appel à elle, mais
pour le reste 'faisait sa vie' dans ses châteaux et abbayes ; une
communauté populaire traditionnelle dont nous avons eu des exemples
jusque très tard – jusqu'en 1789 en fait – avec nos 'républiques' de
montagne occitanes. Démantelé en Europe d’abord, comme dans notre
Occitanie, puis sur les autres continents, où
l'irruption de la colonisation européenne entraîna cette fois de
véritables génocides, qu’il fallut compenser par l’esclavage des
Africain-e-s etc. etc. : en fait, pour les nécessités de son
développement, de l’accumulation et de la valorisation du capital, le
capitalisme a constamment piétiné d’un côté les valeurs humanistes qu’il
générait de l’autre !
Ces masses arrachées à leur vie sociale traditionnelle et immémoriale, il en a fait des prolétaires modernes ;
et les terres que ses Centres (ses ‘points de départ’) ont peu à peu
soumis à la loi de la plus-value, il en a fait des concentrations de
misère et d’exploitation, des Périphéries. Mais
aujourd’hui, après la révolution industrielle (aux conditions déjà
terribles) et l’entrée dans son stade suprême monopoliste et dans sa
crise générale quasi-permanente (de 1870 à 1945 puis de 1970 à nos
jours), le capitalisme a cessé de jouer tout rôle historique
progressiste pour l'humanité : l’heure est venue pour lui d’être renversé, d’être nié,
justement par ces Peuples qu’il a transformés en prolétaires, en
Périphéries ! L’État moderne français, instrument politique du
capitalisme, a anéanti l’Occitanie médiévale ; à présent, c’est son tour
d’être anéanti par l’Occitanie comme projet révolutionnaire, l’Occitanie populaire et socialiste, dont la libération sera une petite pierre apportée à l’édifice de la Commune universelle, car le prolétariat et les masses populaires opprimées et exploitées veulent désormais le COMMUNISME.
Et la Commune populaire,
cellule de base de la future société communiste, objectif premier de
notre lutte révolutionnaire de classe, ne sera finalement rien d'autre que la négation communiste du capitalisme,
la négation du capitalisme et de son État moderne qui a lui même nié la
communauté populaire précapitaliste ; donc, dans un sens, rien d'autre que la commune urbaine ou la 'république villageoise' occitane médiévale que l’État français a liquidé, à un niveau supérieur, comme pouvaient l'affirmer José Carlos Mariátegui pour la communauté paysanne précoloniale des Andes (ayllu)[2] ou John MacLean pour la communauté 'clanique' écossaise[3], ou même encore… Marx, sur la fin de sa vie, au sujet du mir russe[4].
Mais c'est bien là quelque chose que n'ont jamais compris les
'occitanistes', et sur lequel ils n'ont jamais le moins du monde basé
leur combat !
Nous en sommes donc arrivés à la conclusion que, dans l’État français, la Question occitane (posée de manière réformiste depuis un demi-siècle par les 'occitanistes') n'a pas d'autre place que dans le cadre général de la révolution prolétarienne ; de la Guerre populaire prolongée
qui se déploie des Périphéries de la construction politico-militaire et
socio-économique bourgeoise vers le Centre ; nòstre Occitània étant non
seulement l'une des Périphéries les plus opprimées en termes de
pauvreté, chômage, mépris pour notre peuple et notre écosystème etc.,
mais aussi et surtout la périphérie FONDATRICE sur laquelle est née
l’État français comme projet capitaliste d'exploitation et d'oppression
MONDIALE.
Par conséquent, la Question occitane
n'a pas d'autre résolution possible que dans la fondation de
l'instrument indispensable aux masses pour mener la lutte
révolutionnaire acharnée qui la résoudra : le Parti communiste d'Occitanie.
Ce huitième centenaire de la sanglante
bataille du Muret, qui scella la conquête de notre Peuple et, en donnant
naissance à l’État français, le sort de tant d'autres sur la planète,
est donc l'occasion d'annoncer la formation d'un Comité de Construction pour le Parti communiste révolutionnaire des Terres d'Òc
; instrument de la lutte révolutionnaire de classe dans notre
périphérie/'campagne' occitane, en lien avec toutes les autres forces
révolutionnaires authentiques de l’État français pour abattre celui-ci,
et le capitalisme dont il est le bras armé.
ÒSCA LO COMITAT DE CONSTRUCCION PEL PARTIT COMUNISTA REVOLUCIONARI DE LAS TÈRRAS D’ÒC !
PÒPLE D’ÒC ENDAVANT CAP A LA REVOLUCION PROLETARIANA !
SOCIALISME E LIBERTAT !
[1]
L’Empire, dans l’esprit des masses, c’était les Préfets tout-puissants,
nommant les maires et les conseils municipaux etc. : il est donc évident
que résister au coup d’État et au retour du bonapartisme c’était
refuser cela, c’était vouloir la souveraineté locale du peuple, c’est
donc de la résistance du peuple ‘provincialisé’ contre une version
ultra-autoritaire de centralisme ‘français’, et il est logique que cette
résistance ait été très importante en Occitània.
[4] http://bataillesocialiste.wordpress.com/documents-historiques/1881-03-projet-de-reponse-a-vera-zassoulitch-marx/ Lénine en revanche rejettera ce point de vue, affirmant que le mir n’existait déjà plus depuis longtemps, depuis le 17e siècle en fait, avec l’émergence en Russie de l’absolutisme et du servage moderne…
Mais la question, n’en déplaise à Vladimir Illitch, n’est pas que la
communauté populaire précapitaliste existe encore (si en Russie "le
paysan était asservi au propriétaire du sol, il ne travaillait pas pour
lui-même mais pour le boyard, le monastère, le propriétaire foncier",
il en allait exactement de même, depuis des siècles, en Amérique
coloniale espagnole et en Écosse sous domination britannique) ; elle est
que son souvenir vive encore, même de manière diffuse et
non-conceptualisée, dans le cœur des masses et guide leurs aspirations
et leurs luttes pour une société meilleure !
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