Parti communiste révolutionnaire
Rejetons la charte des «valeurs québécoises»!
22 août 2013 Du prochain numéro du journal Partisan, qui paraîtra le 23 août.
D’ici quelques semaines, le gouvernement du Parti québécois déposera sa fameuse Charte des valeurs dites «québécoises», avec laquelle il espère réaliser une percée importante parmi l’électorat francophone. Le 20 août, Le Journal de Québec dévoilait en primeur les principales mesures qu’elle comprendra. Comme elle l’avait annoncé en campagne électorale – c’est bien l’une des rares promesses qu’elle aura tenues –, Pauline Marois a clairement choisi d’utiliser la carte du nationalisme identitaire pour mousser la popularité de son parti.
Selon le quotidien du groupe Québecor/Sun Media, la charte interdira le
port de tout signe religieux apparent dans les institutions publiques ou
financées par des fonds publics, incluant les hôpitaux, les centres de la
petite enfance, les cégeps et même les universités. Cette interdiction
visera d’abord le personnel de ces institutions, mais certains signes –
ceux qui cachent le visage, vraisemblablement – seront également interdits
aux étudiantes et aux patientes des centres hospitaliers.
Le gouvernement péquiste a donc décidé de «promouvoir
l’égalité entre les hommes et les femmes» (sic) en s’attaquant à
celles qui portent le foulard islamique. Même si les sanctions ne sont pas
encore connues, on comprend qu’il ne sera désormais plus possible à une
orthopédagogue de confession musulmane de travailler dans une école
publique ou à une préposée aux bénéficiaires de travailler dans un
hôpital, à moins de renoncer à une partie de son identité. Heureusement,
«le gouvernement Marois ne souhaite pas aller jusqu’à imposer sa
nouvelle charte dans les foyers québécois», nous apprend Le
Journal de Québec.
Ces mesures seront mises en place, nous dit-on, pour assurer la
«neutralité de l’État» – comme si c’était le symbole religieux en
soi qui décidait de la politique de telle ou telle institution et de sa mise
en application dans une situation donnée. Le fondamentaliste catholique
opposé au droit à l’avortement qui travaille dans un CLSC ne porte
peut-être pas de symbole religieux visible, mais son idéologie a autant de
chance d’influencer sa prestation que celle de l’infirmière musulmane
qui porte le foulard ou du médecin juif qui arbore la kippa – sinon plus,
car son influence est justement moins apparente, donc plus sournoise.En principe, chacunE reste tenuE d’appliquer la politique adoptée par l’employeur – en l’occurrence, l’État. Or, sous le régime de la charte péquiste, l’Assemblée nationale continuera à voter des lois sous l’autorité du crucifix qui trône au-dessus du siège du président… Ainsi en est-il de cette fameuse «neutralité de l’État»!
En réalité, celle-ci n’existe pas et n’a jamais existé. L’État a
toujours été et il sera toujours l’instrument de la domination d’une
classe sur une autre. Au Canada comme au Québec, il représente fidèlement
les intérêts de la bourgeoisie, à quelque nuance près selon les
intérêts particuliers de telle ou telle fraction de classe qui occupe le
pôle dominant à un moment donné.
N’importe quel gréviste ayant déjà fait face à une injonction
limitant ou interdisant le piquetage et qui s’est fait matraquer par les
flics venus «ouvrir la ligne» pour laisser rentrer les scabs le
sait. N’importe quelle manifestante ayant été matraquée ou poivrée et
qui s’est retrouvée prise avec des centaines de ses camarades dans une
arrestation de masse le sait elle aussi. N’importe quel Autochtone ayant
tenté d’exercer ses droits sur un territoire à propos duquel les
négociations s’éternisent avec les autorités le sait très bien. Quand
le bras armé de l’État frappe, quand son appareil judiciaire criminalise
et emprisonne, il ne fait pas de distinction en fonction des croyances
religieuses ou de l’absence de croyances religieuses des ennemis de
l’État qui se trouvent sur son chemin.
Cette illusion de la «neutralité de l’État», le PQ lui-même, au
fond, s’en contrefout. Comme nous l’apprend le même article de la
journaliste Geneviève Lajoie, «malgré l’ampleur des changements
proposés pour réaliser la laïcité de l’État, le gouvernement Marois
souhaite parallèlement envoyer le message que l’héritage judéo-chrétien
du Québec n’est pas pour autant balayé sous le tapis». Tiens
donc…
Tout comme l’État n’est pas neutre, il n’existe pas non plus de
«valeurs québécoises» – sinon celles de la classe dominante. Cette
fameuse «égalité entre les hommes et les femmes» qu’on nous présente
ainsi, en quoi est-elle particulièrement «québécoise»? Faut-il rappeler
que le Québec a été la dernière province canadienne à accorder le droit
de vote aux femmes en 1940? Les avancées qui ont été réalisées sur ce
plan sont le résultat des luttes menées par les femmes, précisément
contre les «valeurs» qui étaient dominantes à une certaine
époque au Québec et qui le sont encore en bonne partie aujourd’hui –
sauf à considérer que l’égalité entre les hommes et les femmes serait
désormais acquise.
Au lendemain de l’élection du PQ en septembre 2012, nous avions mis les
travailleurs et travailleuses en garde contre le
piège du nationalisme identitaire péquiste. Dans un contexte de crise
tout spécialement, les capitalistes ne souhaitent rien de mieux que de nous
voir nous en prendre à d’autres travailleurs ou travailleuses, plutôt
qu’à eux. C’est vrai en Grèce, c’est vrai en France (où la chef du
Front national Marine Le Pen a d’ailleurs applaudi la victoire de Pauline
Marois et du PQ), ce l’est aussi au Québec et au Canada.
Le PQ tentera de nous mobiliser sur les questions de «laïcité» et
«d’accommodements religieux» au cours des prochaines semaines, espérant
qu’il n’y aura plus personne pour dénoncer son Plan Nord 2.0,
l’exploration et l’exploitation du pétrole sur l’île d’Anticosti,
le maintien d’un régime de redevances taillé sur mesure pour les grandes
sociétés minières, la hausse des tarifs de 6,5% à Hydro-Québec, le
dégel des frais de scolarité universitaires ou sa réforme réactionnaire
à l’aide sociale inspirée de Diane Finley et Stephen Harper. Ne le
laissons nous flouer ainsi.
Rejetons la charte péquiste! Unissons-nous avec les travailleurs et
travailleuses de toutes origines pour combattre les capitalistes et leur
État!
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